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GENEVE – Ces frais sont à charge du locataire ! Vraiment ?

Une tendance à tout faire payer au locataire

On constate en pratique une tendance de nombreuses régies à vouloir mettre à charge du locataire toute dépense liée à un travail effectué par ses soins, et qui devrait être logiquement payé par le bailleur qui la mandate pour assurer la gestion de son bien. De nombreux contrats de bail ou conditions générales stipulent ainsi que le locataire s’engage à payer des montants forfaitaires, à titre d’émolument, pour diverses tâches assumées par la régie. Il s’agit principalement de frais de type administratif (« frais de dossier », établissement du bail, demande de copies, d’une attestation, etc.) ou pour l’exercice d’un droit (sous-louer, restituer de manière anticipée, transférer le bail commercial, payer son loyer par voie postale, etc.). Fréquemment les baux prévoient aussi que les frais assumés par le bailleur dans le cadre d’un procès sont à charge du locataire.

Le présent article passe en revue certains de ces frais (difficile d’être exhaustif vu l’inventivité des régies en la matière !) et leur éventuelle imputabilité au locataire . Il n’est pas ici question des frais d’entretien, souvent facturés (à tort) au locataire, ni des frais accessoires indûment réclamés, sujets abondamment traités par notre journal et sur lesquels il sera certainement revenu.

Tout ce que dit le bail n’est pas parole d’évangile

Il faut rappeler d’abord que ce n’est pas parce que quelque chose est marqué dans le bail que c’est vrai. Le droit du bail est protecteur du locataire et prend en considération que celui-ci n’a pas forcément la possibilité ni les ressources, pour lire et négocier attentivement toute clause de son bail, au moment de sa conclusion. C’est pourquoi le Code des obligations prévoit des protections impératives devant lesquelles une disposition contraire du contrat devra s’effacer. Il ne faut donc pas se laisser opposer sans autre que « ce montant est dû par vos soins, et d’ailleurs le bail que vous avez signé le prévoit ».

La régie doit être payée par le bailleur pour son travail

Le bailleur est autorisé à répercuter à travers le loyer les honoraires de gérance que lui facture sa régie (en principe de 3,5 à 5% du montant des loyers de l’immeuble). Cela représente donc des montants importants et couvre donc l’activité de la régie dans le cadre de la gestion du bien. Il n’est donc pas licite que des frais soient réclamés au locataire, car cela revient à le faire payer deux fois : une fois par le loyer, une autre par un émolument exigé au moment de la prestation.

Frais de dossier, d’établissement et de conclusion du bail

Ces frais sont souvent facturés au locataire entre CHF 150.- et 200.-. Or, ils sont à charge du bailleur. C’est d’ailleurs ce que prévoient aujourd’hui les règles et usages locatifs vaudois (RULV) à l’art. 8 let. a . C’est en effet le travail de la régie que de trouver le locataire et d’établir le bail, puis le lui faire signer.

Frais d’avenants et d’attestation

Un avenant au bail établi en cas de concubinage ou de mariage par exemple, ou une attestation pour demander un macaron à la fondation des parkings, est aussi un travail administratif fait par la régie dans le cadre de son mandat de gestion ordinaire . Les frais en sont donc à charge du bailleur et ne peuvent être refacturés une seconde fois au locataire.

Frais de rappels et de mise en demeure

Certaines régies facturent des frais de mise en demeure de CHF 80.- ! Et de simple rappels CHF 20.- … Alors qu’il s’agit d’un courrier-type, parfois pas même adressé en recommandé. Or ce travail est déjà payé par le bailleur, qui paie l’honoraire de gérance pour la « gestion financière », ce qui inclut « les rappels dans le cadre d’une procédure amiable », c’est-à-dire tout ce qui se fait avant l’envoi d’une réquisition de poursuite . Par gain de paix il faut admettre des frais raisonnables, de maximum CHF 10.-.

Autorisation de sous-louer ou de transfert du bail commercial

Comme le droit du bail prévoit de manière impérative, lorsque les conditions pour le faire sont réalisées, que le locataire peut sous-louer (art. 262 CO) ou le commerçant peut transférer son bail (art. 263 CO), les frais qui en résultent ne peuvent être mis à charge du locataire . Ces frais sont par ailleurs partie des frais de « gestion locative et administrative » déjà facturés au bailleur par la régie pour son travail.

Frais de restitution anticipée

Dans le même ordre d’idée, le Tribunal fédéral a pu dire que les frais exigés par la régie (en général entre CHF 200 et 300.- ou 1 pourcent du loyer annuel),du locataire qui « résilie » le bail en avance en présentant un candidat de remplacement, ne sont pas dus.

Frais d’avocat et frais d’huissier

Sauf exception rare, où le locataire engendre par un comportement abusif des frais inutiles, les frais de procès du bailleur (y compris d’avocat) sont à charge de celui-ci, si le canton, comme c’est le cas à Genève et dans d’autres cantons romands, prévoit la gratuité de la procédure ; de même pour les frais d’huissier venus à un état des lieux de sortie, quand le locataire ne les a pas provoqués abusivement.

(Renvois et références se trouvent dans l’article original, paru dans le Droit au logement n° 246 de juin 2020)

Pierre Stastny, ASLOCA

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