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Un hiver à risque pour les locataires

Communiqué de presse de l’ASLOCA Genève du 5 septembre 2022

Inflation, hausse du coût des énergies fossiles et de l’électricité, pression sur les rénovations des bâtiments, les locataires sont captifs d’un système qui s’emballe. Leur voix doit compter. La guerre en Ukraine a précipité une crise déjà pressentie avant le COVID. L’inflation est de retour, aggravée par la hausse des prix des carburants et de l’électricité. La spéculation sur les énergies fossiles et son instrumentalisation par le régime de Poutine ne sont pas les seules à peser sur la population. Le loyer et les primes d’assurances maladie sont des charges incompressibles qui s’envolent. Dans la foulée, l’administration fédérale annonce un risque de défaillance du réseau électrique cet hiver.

L’ASLOCA Genève a présenté aujourd’hui un train de mesures dont la pièce maîtresse est son initiative «L’assainissement des immeubles ne doit pas se faire sur dos des locataires». Cette initiative a abouti avec presque 12’000 signatures. Le contexte rappelé ci-dessus montre toute l’actualité de cette proposition. L’intérêt des locataires doit être placé au cœur de la politique énergétique et climatique.

Initiative « L’assainissement des immeubles ne doit pas se faire sur dos des locataires »

Lancée avant les annonces de hausse des prix de l’électricité et des probables coupures cet hiver, l’importance de cette initiative s’en trouve renforcée.

De trop nombreux immeubles ont été construits à la va-vite dans les années 1950, les bailleurs cherchant même à contourner le système fédéral de protection des locataires en détruisant des immeubles pour en reconstruire d’autres, souvent mal isolés. Ceci pèse aujourd’hui sur toute la collectivité puisque ces immeubles polluent beaucoup et que leur chauffage coûte cher aux habitants. Il serait injuste que ce soit ces locataires qui doivent assumer la part la plus importante des frais de rénovation.

L’initiative de l’ASLOCA propose de doter à nouveau un fonds déjà existent (le bonus conjoncturel à la rénovation) en utilisant une partie des bénéfices de la BNS dévolue au Canton de Genève.

Ces subventions profiteront aux locataires puisqu’elles seront déduites des montants répercutables sur les loyers.

Les subventions s’accompagnent également d’un plafonnement plus strict des loyers. Il ne sera plus possible pour les bailleurs qui souhaitent bénéficier des subventions, d’obtenir la majoration prévue pour la baisse prévisible des charges ainsi que la majoration possible aujourd’hui au-dessus du plafond.

De même, ces travaux ne devront pas avoir pour finalité de transformer des logements abordables en appartements de standing.

Mesures visant l’électricité

L’envolée des prix de l’électricité sur le marché résulte de celle du gaz. Plus de la moitié de l’énergie produite à Genève n’est pas impactée par l’augmentation sur le marché international. Il s’agit de l’énergie hydraulique notamment.

Il faut donc poser pour principe que les prix de l’électricité doivent être fixés sur les prix de production, majorés d’amortissements et d’une marge bénéficiaire permettant les investissements nécessaires. Pour la part de l’électricité achetée sur le marché, l’ASLOCA souhaite la mise en place d’un fonds destiné à geler les hausses. Ce fonds pourrait être avancé par un crédit de l’Etat ou directement levé par les SIG et qui serait amorti par les bénéfices futurs de ces derniers. Cette limitation des prix doit concernerait les ménages genevois.

Par ailleurs, l’ASLOCA revendique l’interdiction des coupures d’électricité pour les locataires d’habitation qui ne seraient plus en mesure de s’acquitter de leurs factures d’énergie.

Chauffage et eau chaude

L’ALSOCA Suisse a proposé la mise en place d’une aide ponctuelle aux locataires. Le Conseil fédéral fait, pour l’heure, la sourde oreille.

Cette situation rappelle celle du COVID, durant laquelle l’ASLOCA s’était allié à GASTROSUISSE pour solliciter un abattement pour les locataires commerciaux contraints de fermer. En parallèle, l’ASLOCA Genève avait sollicité et obtenu des négociations pour des aides (accords dits « Vesta ») qui ont permis de soutenir plusieurs milliers de petits indépendants et de petits commerçants. Elle souhaite réitérer cette action à propos des frais de chauffage et d’eau chaude dans la perspective d’obtenir une aide ponctuelle à Genève qui serait versée aux bénéficiaires des subsides d’assurance maladie et par l’intermédiaire du service chargée de ceux-ci.

L’ALSOCA Genève demande donc l’ouverture de négociations avec le Conseil d’État et les milieux immobiliers.

Des chantiers de rénovation respectueux des locataires

L’ASLOCA Genève, conjointement avec plusieurs associations de locataires ayant subi d’importants chantiers, avait rédigé et proposé un projet de loi (PL 12592) refusé par la majorité parlementaire en octobre 2021.

Depuis lors, la situation a évolué, de même que l’orientation de certains partis en la matière et qui rend possible un nouveau dépôt de ce projet de poursuivant le même but, soit de rendre supportables ces chantiers pour les locataires en place.

Les travaux ne doivent pas servir de prétexte à des congés

Certains bailleurs tentent de profiter de ces travaux pour résilier les baux des locataires en place, effectuer des travaux de rénovation puis relouer les logements à des loyers majorés. En Suisse alémanique, ces pratiques spéculatives sont légions.

A Genève, ces congés existent même s’ils sont moins fréquents. En effet, la principale loi de défense des locataires (LDTR) plafonne les loyers après travaux pendant une période de trois, cinq ou dix ans. Les bailleurs ne peuvent donc pas majorer les loyers de manière aussi importante qu’ils le souhaiteraient et ont donc moins d’intérêt à congédier les habitants.

L’ASLOCA Genève formule une proposition tendant à modifier le droit fédéral pour limiter les congés aux seules situations qui l’exigent et à permettre le maintien du bail pour le locataire qui s’engage à quitter temporairement le logement, pour la phase du chantier qui exigerait son départ.

Introduire la concertation des locataires pour les questions qui les touchent au quotidien

Aujourd’hui, et en particulier à Genève, les locataires n’ont pas leur mot à dire. Ils louent prennent le logement qu’ils trouvent, sans pouvoir choisir un logement bien isolé ou mal isolé. De même, ils ne peuvent se prononcer sur le système de chauffage ou sur la manière dont celui-ci est géré, de même que les espaces communs de l’immeuble. Les locataires n’ont qu’à payer sans avoir leur mot à dire.

L’ALSOCA Genève propose d’introduire le principe de concertation dans les rapports de bail pour toutes ces questions qui concernent le quotidien des locataires et pour lesquelles le bailleur agi, en quelques sortes comme mandataire. Une assemblée des locataires, sur le modèle de l’assemblée des copropriétaires, mais avec un système de décision plus simple (un logement = une voix) devrait être créée dans chaque immeuble d’une certaine taille pour permettre la concertation sur la manière de gérer le système de chauffage et d’eau chaude, en particulier l’énergie choisie, les contrats passés avec des tiers et la clé de répartition des frais entre locataires. L’assemblée pourrait également se prononcer sur les éléments de confort et de consommation liés au chauffage des espaces communs et à la température minimale requise dans les immeubles (dans le respect de la jurisprudence du Tribunal fédéral). Cette assemblée pourrait se prononcer sur les mesures d’économie d’énergie et également sur l’opportunité d’entreprendre des travaux de rénovation et d’accompagner ceux-ci.

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Ces propositions de l’ASLOCA visent également à changer de logique. L’approche du Conseil fédéral est correcte. Il faut réaliser des économies. Néanmoins, elle fait fi de la réalité, sur ces questions, les locataires sont pieds et poings liés face à leurs bailleurs. Pis, dans les faits, ces derniers décident seuls et possiblement de manière arbitraire de tous les choix qui concernent la production d’énergie, l’achat de combustibles et d’électricité et la manière d’économiser ou non de l’énergie. Les locataires n’ont qu’à payer. Cette approche est celle d’un autre temps, profondément anti-démocratique. Les locataires ne sont pas des pions.

Pour l’ASLOCA :

Alberto VELASCO, Président
Carole-Anne KAST, Vice-Présidente
Caroline RENOLD, Juriste titulaire du Brevet d’avocat
Christian DANDRES, Juriste titulaire du Brevet d’avocat

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